J’ai lu… « C’est ici que l’on se quitte », de Jonathan Tropper (un récit délectable… que l’on voudrait faire durer !)

 

Hello mes petits chatons !

 

Alors que j’étais avide de découvertes, une amie m’avait conseillé il y a quelques temps déjà les romans de Jonathan Tropper, me disant que c’était vraiment le genre de mecs avec lequel on ne pouvait pas s’ennuyer (mouais : non pas que je sois du genre sceptique mais j’attendais de voir quand même avant de crier au miracle… !). Mes dernières lectures ayant été plutôt du genre sombres, j’avais plus que tout besoin d’un peu de légèreté… et de déconnade ! Je ne voulais pas mettre trop de pression sur les épaules de ce pauvre Jonathan mais il est clair que j’en attendais beaucoup. Je me suis donc plongée sans attendre dans l’histoire de « C’est ici que l’on se quitte » et, d’abord refroidie par le contexte (encore un deuil ! Les écrivains d’aujourd’hui n’ont-ils donc pas d’autres thèmes de prédilection ?!), j’ai tout simplement adoré cette petite merveille qui m’a fait rire, rire, rire… comme jamais ! Et vous savez quoi ? Ça fait du bien.

 

cest-ici-que-lon-se-quitte-tropper-couverture

 

« C’est ici que l’on se quitte »
Se plonger dans l’histoire

 

Qu’y a-t-il de pire que de perdre son père ? Réponse : passer la semaine qui suit enfermé avec sa propre famille de dingues… Morton Foxman s’en est allé. Mais avant de mourir, il a exprimé une ultime volonté : que sa famille, éparpillée aux quatre coins de l’État, se réunisse et célèbre ensemble la Shiv’ah. Le principe ? Sept jours de deuil dans la religion juive partagés ensemble, sous le même toit, accompagnés d’un défilé de voisins qui viendront pleurer sur votre épaule et vanter les mérites de ce cher disparu tout en mangeant des bagels au saumon et autres petites gâteries. Pour les Foxman, c’est l’étonnement. Leur père n’était pas pratiquant et il semble clair qu’il connaissait assez les membres de sa famille pour ne pas leur infliger ça. Bien obligés de se plier de mauvaise grâce à cette dernière volonté, le clan se réunit dans la maison familiale pour la première fois depuis… Depuis quand déjà ?!

 

Des retrouvailles surprises dont Judd, l’un des fils Foxman, se serait volontiers passées. Il a déjà bien assez à faire avec sa propre déprime après avoir découvert son épouse dans une position peu orthodoxe avec son propre patron, dans son propre lit conjugal, et après avoir perdu du même coup femme, maison et boulot ! Obligé de s’installer dans un sous-sol miteux en attendant que ne soit prononcé le divorce, sa vie n’aurait pas pu prendre un tournant plus sadique… jusqu’à la mort de son père et cette semaine de vie en communauté forcée qui s’annonce déjà comme la pire de sa vie. En bon fils aimant, il rejoint pourtant sa mère, psy peu conventionnelle spécialisée dans l’éducation des enfants (sauf des siens !), au décolleté ravageur et aux formes peu naturelles, sa sœur Wendy accompagnée de ses trois mômes hyperactifs et de son mari Barry, homme d’affaires qui n’envisage pas la vie sans son Blackberry greffé au bout de la main, son frère aîné Paul – qui a repris l’entreprise familial mais qui a visiblement de gros problèmes de rancune et d’aigreur non digérées – et sa charmante épouse Alice avec qui Judd a justement batifolé dans sa jeunesse – et enfin Phillip, le cadet bourreau des cœurs qui se fait bien discret sur ses activités professionnelles qui ne respirent pas l’honnêteté… Comment survivre toute une semaine en compagnie de cette famille névrosée et follement déjantée, pleine de rancoeurs, de non-dits et autres joyeusetés ? En prenant sur soi pour ne pas les étrangler à tour de rôle, Judd se dit vraiment que « L’enfer, c’est les autres »… et que son père ne connaît pas son bonheur de n’être plus là pour assister à ça !

 

cest-ici-que-lon-se-quitte-jonathan-tropper-poche-couverture

 

« C’est ici que l’on se quitte »
Je me lance… Ou pas ?

 

Il y a des semaines exceptionnelles qui font parties de celles qu’on oubliera jamais. Celle que j’ai eu l’honneur de passer avec la famille Foxman fait justement parties de celles-ci ! J’ai vraiment adoré chacun de ses membres… mais peut-être parce que je ne fais pas partie de cette joyeuse bande de fous justement ;)). Ironie du sort : ce roman n’est pas de ceux qui me passionnent en général. Trop de personnages, trop de caractères, trop de péripéties. Trop de tout en fait. En temps normal (je me connais !), la sauce n’aurait pas prise. J’aurais trouvé ça caricatural à souhait, trop exagéré ou pas assez travaillé au contraire. Mais là, quelle merveille ! Il en faut du talent pour réussir ce tour de force de dessiner aussi bien ses personnages (surtout qu’ici, il y en a tout de même un petit paquet) tout en rendant leurs vies et leurs misères plausibles. Pourtant dans ce livre, tout n’est pas fait dans la dentelle et certaines scènes manquent parfois cruellement de finesse. Mais qu’est-ce qu’on rit de bon cœur ! On rit tellement d’ailleurs que tout passe comme une lettre à la poste.

 

De talent justement, il est clair que Jonathan Tropper n’en manque pas. Je me demande même si je n’aurais pas été envoyée quelques années sur Mars à mon insu pour être passée à côté de ses livres aussi longtemps. Maintenant qu’ils sont entrés dans ma vie, autant vous dire que je ne compte plus m’en passer ! Son écriture insolente m’a tellement amusée que j’en redemande. Il est vrai que son style est plutôt cru voire même carrément osé : en le lisant, j’avais parfois l’impression de m’être plongée dans le journal intime d’un ado qui se confierait sur ses déboires sentimentaux (et sexuels !). Oreilles pures et chastes, prière de s’abstenir ! Tropper n’y va jamais par quatre chemins et on découvre avec lui les affres de l’infidélité et la difficulté à draguer (puis à coucher) avec une autre femme que la sienne quand l’image de cette dernière nous obsède encore. De la relation sexuelle en situation de handicap au petit « coup » mécanique dans le seul but de procréer et d’agrandir l’espèce humaine, tout y passe et tout est décortiqué avec un humour des plus décapant.

 

Pourtant bien sûr, le sexe n’est pas le thème de prédilection de ce roman aux intrigues multiples et fouillées (je vous rappelle que tout part d’un deuil tout de même, ne l’oublions pas !). Au début de la lecture clairement, on se demande dans quelle genre de tribu nous avons eu la chance de tomber. Chez les Foxman, il y a un problème de taille : l’absence de communication. Et dit comme cela, c’est réellement un euphémisme. Qu’on ne partage pas grand chose avec sa fratrie, jusque là rien d’anormal. Vous connaissez l’expression : on ne choisit pas sa famille. Mais en pénétrant chez eux, on comprend en deux temps trois mouvements que le problème est bien au-delà de ça. Les Foxman sont de véritables handicapés du cœur : laisser s’exprimer leurs sentiments, ils ne savent pas faire. Alors quand la pudeur, les rancoeurs du passé, les règlements de compte et les non-dits s’en mêlent, cela devient franchement complexe et le joyeux bordel n’est plus très loin ! Avec énormément d’humour, Tropper nous fait pénétrer dans la psychologie de ses personnages justement si impénétrables en apparence.

 

Et là, tout est délectable. On se rend compte que ces personnalités hautes en couleur ne nous sont pas aussi étrangères qu’elles le semblaient de prime abord. Et qu’il y a peut-être même beaucoup d’elles dans nos propres familles, avec le recul ! Petit à petit, cette famille qui nous semblait à la fois si froide et si fantasque en apparence nous envoûte et nous pousse à aller toujours plus loin dans notre lecture. A la fin, le pari est réussi : on ne veut tout simplement plus les quitter. J’ai trouvé tout simplement délectable de découvrir au fil des chapitres les intrigues plus croustillantes les unes que les autres qui complexifient largement le scénario de départ et le gonfle comme une toile d’araignée. On valse de situations délicates en rebondissements cocasses et inattendus, le tout sans temps mort (et à un rythme de dingue : im-pos-si-ble de s’ennuyer une seconde) et sans oublier les dialogues, petits bijoux composés de punchlines d’exception. J’ai beau réfléchir, je ne trouve pas de défaut à ce récit hilarant, au portrait féroce et dessiné au vitriol sur la famille, mais aussi riche en émotions et en tendresse.

 

Car mon cœur d’artichaut vous le demande : ce roman aurait-il été aussi bon sans cette petite dose douce-amère de nostalgie qui vient parfaire et sublimer l’ensemble ? Les paris sont ouverts mais j’ose tout de même une réponse : NON évidemment ! S’il ne s’agissait que d’un vulgaire roman au trait loufoque, je sais que mon cœur n’aurait pas autant succombé pour cette douce famille de fêlés. Mais au fil de la lecture, un glissement s’opère subtilement. Derrière l’humour, on sent les cœurs palpiter et les larmes perler aux coins des yeux. Car on l’avait presque oublié mais ces héros ont perdu leur père et une part de leurs enfances s’envolent définitivement avec ce dernier. Derrière l’excuse de la Shiv’ah, c’est toute une famille dont les membres sont petit à petit devenus des inconnus les uns pour les autres qui se retrouvent et se redécouvrent. Et cela serre le cœur. Car derrière ce propos un ton plus sérieux, on se reconnaît tous : que nous est-il arrivé ? Comment avons-nous pu nous perdre à ce point là en route et trahir les enfants que nous étions, leurs envies, leurs rêves et leurs souvenirs ?

 

« Je sens une immense vague de regrets m’envahir quand je considère la personne que je suis devenue », confie Judd à ses lecteurs. Difficile de rester de marbre face à ces révélations émouvantes (qui m’ont sérieusement donné envie de faire un câlin au héros pour le réconforter) et qui nous feraient presque passer du rire aux larmes. Presque car Tropper parvient à émouvoir profondément tout en gardant cette légèreté propre à son écriture. Il nous parle ainsi des blessures du passé et du temps qui passe, inlassablement, et contre lequel on ne peut rien, du chemin vers le bonheur (toujours semé d’embûches, sinon ce ne serait pas drôle), de la difficulté à faire les bons choix (ou en tout cas de se convaincre qu’on fait les bons !) et de la perte, beaucoup : la perte de nos rêves qui se cassent la gueule et qu’on ne réalise pas toujours mais surtout la perte des autres, ces autres qui finissent toujours par s’en aller, par nous quitter ou par mourir… (ces salopards !). Dans ce livre plus que divertissant et surprenant, Jonathan Tropper nous en fait donc voir de toutes les couleurs, mais uniquement celles de l’arc en ciel ! Je ne peux que vous recommander cette lecture excessivement drôle (vous l’aurez compris) mais pas que. Je l’ai refermé avec émotions, enchantée de cette semaine haute en couleurs passée avec chacun des membres de la famille Foxman. Tous m’ont donné de l’espoir chacun à leur façon : on peut parfois croire que certaines choses sont perdues à tout jamais puis subitement se retrouver face à un nouvel éclairage qui remet tout en question et nous oblige à revoir nos positions, nos idées toutes faites aussi, pour mieux voir la vérité en face. La vérité toute nue…

 

« ON PEUT DEMEURER LA, SE SENTANT AU DESSUS DE LA MÊLÉE BIEN QU’ON NE LE SOIT PAS, ET ABOUTIR A LA CONCLUSION SOLITAIRE QUE LA SEULE CHOSE DONT ON PUISSE ÊTRE SUR, AU SUJET DES AUTRES,
C’EST QU’ON NE SAIT JAMAIS RIEN D’EUX… »

 

6 réflexions sur “J’ai lu… « C’est ici que l’on se quitte », de Jonathan Tropper (un récit délectable… que l’on voudrait faire durer !)

    • Ma No’, je me lance dans les réponses à mes commentaires pour que tout soit nickel avant le grand départ 😉 Je te conseille vraiment vraiment ce livre de Jonathan Tropper car c’est pour le moment un des romans qui m’a laissé le meilleur souvenir cette année ! Je sais que ta PAL est déjà conséquente mais si tu as l’occasion, ajoutes-y vraiment ce titre. Je t’embrasse bien fort !

  1. Comme tu le sais je l’ai lu il y a quelques semaines et j’avais beaucoup aimé. Je revenais pourtant d’un enterrement, mais l’humour ne m’a pas gêné car on voit bien qu’il masque les fêlures des personnages et le tout est savoureux : drôle et émouvant.

    • Hello ma Onee ! Sans humour noir, je trouve plutôt « drôle » que tu ais justement lu ce livre au retour d’un enterrement. Il n’y a pas de hasard 😉 J’ai évidemment lu ta chronique et je pense que nous avons toutes les deux pleinement apprécié cette lecture qui m’a laissé un très très bon souvenir. Comme tu l’as souligné, toute la richesse de Tropper est justement dans ce talent : se cacher derrière une écriture brute, crue, un poil trash même, sans jamais se départir d’une émotion à fleur de peau qui révèle à la perfection la face cachée de ses personnages. J’ai vraiment adoré ! Je ne sais pas si tu en as lu d’autres mais je vais me pencher sur la bibliographie de ce monsieur sans trop tarder. Gros bisous ma jolie !

  2. Un deuxième coup de coeur commun ma belle. Je l’ai lu il y a quelque temps, ma mère me l’avait conseillé et je n’ai pas été déçue. Son style est vraiment impeccable. Et l’humour ne gomme pas les sentiments de personnages. Tout est justement dosé.

    • Il semble clair que ce livre fait l’unanimité auprès de tous ceux qui s’y sont penchés ma Marie ! Ce fut vraiment une belle découverte chez moi aussi, un moment de lecture savoureux qu’on oublie pas une fois le livre refermé, comme c’est trop souvent le cas malheureusement… Encore un point commun en effet ! ❤ Je t'embrasse bien bien fort en attendant d'avoir la chance de te revoir pour parler (de lecture mais aussi de plein d'autres sujets dont nous avons le secret bien sur !). Plein de gros bisous ma toute belle.

Laisser un commentaire